La mosaïque humaine.

 

Les sociétés occidentales vivent actuellement une crise morale due à l'énorme afflux de population étrangère qui engendre des réactions de rejet envers les nouveaux venus. Le problème du racisme que l'on croyait enterré resurgit avec tout son attirail de préjugés et de réactions 'primaires'. Cependant le problème semble être moins dû à la couleur de peau qu'à des différences culturelles importantes . On peut classer les immigrants en trois catégories principales:

L'asile politique est la première tradition d'un pays se réclamant d'un minimum de liberté. Ce droit s'applique aux exilés de sociétés en crise politique grave afin de préserver leur vie et l'expression de leurs idées. Ceci constitue le premier exemple de solidarité politique supranationale dont aucun pays ne peut dire qu'elle ne sera pas utile à son Histoire un jour. La difficulté dans ce domaine est de définir les limites de ce droit d'asile afin d'éviter les abus. Mais le problème le plus important dans le domaine de l'immigration est certainement celui des immigrants à long terme dans lesquels se retrouvent souvent des individus venus au début temporairement. Il est intéressant de chercher les raisons profondes de cet afflux si l'on veut trouver un compromis équitable.

Les origines des immigrants à long terme sont de trois types:

Il y a bien sûr une autre immigration, celle provenant de pays en plein boum économique comme le Japon, mais cela ne pose pas encore de problème puisqu'elle est accompagnée de lourds investissements qui représentent travail et richesse pour les pays hôtes. Celle-ci ressemble à l'immigration d'étudiants et chercheurs qui apportent une forte valeur scientifique dans le pays visité, à tel point que si l'Europe se plaint de la fuite de ses cerveaux vers les Etats Unis d'Amérique, la Chine pense à revoir sa politique d'échanges scientifiques puisque les étudiants et chercheurs envoyés à l'étranger y restent souvent.

Ces dernières remarques montrent les deux poids, deux mesures vis à vis des étrangers. Il est nécessaire de contrôler l'immigration si l'on ne veut pas risquer un effet inverse de celui souhaité par les pays libres, c'est à dire une réaction de la population contre les nouveaux venus. Une population étrangère de dix pour cent semble être le maximum acceptable sans problèmes liés à un sentiment d'invasion. Encore faut-il que les nouveaux venus fassent les efforts nécessaires à leur intégration. La deuxième génération doit confirmer sa volonté de prendre la nouvelle nationalité mais ceci doit être un droit et non une demande.

Que de travail lorsque l'on se trouve dans un environnement où la langue, les moeurs et parfois la religion sont totalement différents. Pourtant ces murs que représentent les différences culturelles sont autant d'enrichissement pour la compréhension entre les peuples lorsqu'ils sont surmontés des deux côtés pour planter à leurs sommets le drapeau de la tolérance. Mais quel choc lorsque l'on vient d'une région sous développée et que l'on assiste au scandale quotidien du stockage voire du pourrissement de la nourriture dans nos pays, face à la détresse alimentaire du monde.

Le contact des Boat-people qui sont les bénéficiaires à la mode de notre bonne conscience apprendra peut-être à l'homme de la rue dont l'animal domestique a plusieurs dizaines de fois le pouvoir d'achat d'un affamé, ce qu'il y a dans le regard de celui qui lorsqu'il voit un avion s'approcher se demande si c'est une bombe ou un sac de farine qu'il va recevoir sur la gueule. Il existe certainement une meilleure façon de donner. On pourrait, sans les larmoiements qui sont de mise en ce domaine, mettre en oeuvre une vraie coopération entre les peuples par le biais des travaux d'utilité publique que l'on élargirait aux pays en voie de développement. Cette collaboration basée sur le bénévolat populaire éviterait une trop forte influence de la politique du bon vieux temps des colonies... Un organisme associatif pourrait orienter les offres et demandes d'aide, et labelliser les associations d'aide au tiers monde dont on est sûr que l'argent qui leur est confié va intégralement au tiers monde, les frais de fonctionnement étant supportés par les membres actifs de celles ci. Ainsi chaque homme de bonne volonté pourrait apaiser ses sentiments d'égoïsme et d'impuissance en versant mensuellement cinq pour cent de son salaire à une association tiers-mondiste.

 

 

Si on veut limiter humainement l'immigration à dix pour cent de la population, il est indispensable que les 'pays en voie de développement' progressent. En effet, l'afflux massif d'étrangers dans les sociétés occidentales est dû principalement à l'inégalité intolérable qui règne dans le monde. Une aide efficace et neutre ramenerait certainement le nombre d'immigrants à une valeur acceptable. Il y a suffisamment de sociétés pauvres mais démocratiques et dont la population est stable pour que les arguments contraires à une aide massive au tiers monde ne soient plus valables. Ces pays deviendraient des exemples de réussite pour les autres et donneraient plus d'énergie à la solidarité mondiale que les mots liberté, égalité fraternité que l'homme blanc a traduit dans toutes les langues, comme pour s'octroyer le monopole du Bien.

Dans ce domaine, les Européens ont devant eux une belle possibilité de lever le tabou qui pèse sur le nom Marshall puisque ce plan similaire fut mis en place après le désastre de la seconde guerre mondiale. Leurs stocks de nourriture sont-ils proportionnels à leur mauvaise conscience et leurs critiques concernant l'économie des pays d'Europe de l'Est qui n'ont pas bénéficié du même avantage égales à leur mauvaise foi ? Mais en plus de l'action politique d'un gouvernement, la réussite d'un tel projet dépend de chacun d'entre nous, dans sa vie de tous les jours par ses attitude et ses actes vis à vis des étrangers et des pays en voie de développement. La lutte contre le racisme qui est latent en période de crise ne doit pas se transformer en antiracisme car il serait bien difficile de convaincre les noirs qu'ils sont blancs, mais plutôt en reconnaissance des autres couleurs de peau à égalité avec la sienne. Les enfants, qui font parfois rougir leurs parents par des réflexions du type 'regarde le monsieur, il est tout noir' en montrant quelqu'un du doigt sont peut être l'espoir d'une société sans préjugés raciaux puisqu'ils n'ont aucune gêne à jouer avec leurs petits camarades de couleur. La société de demain sera multiraciale, cela est inévitable, mais c'est de nous tous que dépend le fait qu'elle ait l'aspect d'une mosaïque ou d'une bombe humaine. Il est donc indispensable que nous nous préparions à la civilisation mondiale qui marquera le troisième millénaire. Celle-ci sera faite de tolérance vis à vis de toutes les civilisations du monde ou bien de préjugés et d'inégalité. Tout dépend de la compréhension mutuelle des peuples mais aussi des individus.

Quant aux purs Darwinistes qui souvent sont prêts à risquer un cancer de la peau pour être bien bronzés mais qui redoutent que le pedigree de leur descendance soit entaché de sang qui ne soit pas extra blanc, il est temps qu'ils ouvrent les yeux pour se rendre compte que les enfants métisses sont souvent parmi les plus beaux.

 

RENNES-ERLANGEN Mai 1987 Z.